L’art de l’immersion / (BUZZ) de Frank ROSE, Ed. Sonatine

Image de couverture de l'édition française "BUZZ"

Image de couverture de l’édition française « BUZZ »

Notre amie, Lucie Leuven, nous transmet ce commentaire sur le livre de Frank Rose, paru en traduction aux éditions Sonatine (sous le titre BUZZ, titre américain : The art of immersion : How the Digital Generation Is Changing Hollywood, Madison Avenue, and the Way We Tell Stories ). Ce commentaire fait suite à un entretien de Jérôme Hourdeaux avec Frank Rose, publié dans Médiapart : http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/240113/lart-de-limmersion-ou-le-storytelling-20

 » Merci à Jérôme Hourdeaux de cet entretien avec Frank Rose et aux Editions Sonatine pour leur traduction.

Cet article est important, car il ne s’agit de rien moins que du régime des relations fiction/actuel dans la réalité d’aujourd’hui.

Cette question est quasiment totalement négligée en France, et même en Europe (des travaux intéressants existent en GB, en Italie et en Allemagne…) . Et les institutions de la Culture, de l’Université, de la Recherche, (etc.) passent allègrement à côté de ce fait fondamental.

Certes, nous avons en France une tradition d’études esthétiques de la narratologie, c’est-à -dire de la place de la Fiction dans la littérature, et au mieux dans le cinéma….mais au-delà, rien!

Les travaux les plus intéressants remontent au livre de ChristiaN Salmon : Storytelling : La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits. Mais cela remonte à 2007, et C. Salmon s’intéressait surtout à l’aspect socio-politique du phénomène.

Mais comme le dit Frank Rose : « Le storytelling est une combinaison d’art et de technologie ».  C’est bien de cela qu’il s’agit.  Des relations de la technologie et de la Fiction ; par laquelle il y a Fiction…

Depuis l’antiquité , la fiction, le mythe, la création,  ont quelque chose à voir avec les machines, avec la technè ;  art et ruse à la fois. Pas d’avant-scène visible, sans des coulisses truffées de machineries et traquenards… Le théâtre, le roman, le cinéma, la TV, le jeu-vidéo,… et maintenant le Web comme technè transmedia, sont autant d’industries du rêve, de machinerie du possible, au sein d’une réalité sociale qui, sans cette « contrepartie » industrielle de l’imaginaire ne pourrait pas vivre. Sans Hollywood, pas d’Usine Ford, Sans Disney, pas d’IBM, etc…

En même temps, c’est à la vigueur de cette « industrie du rêve » que se mesure le dynamisme du capitalisme tout entier ! Sans Spielberg, pas de Bill Gates !!!

Avec cette idée d’immersion, d’hybridité et de mixité du réel/fictif propre aux industries de la communication et du numérique, de nouvelles formes de fiction surgissent. Mieux, comme le dit Rose, c’est nous, apparents « réels », qui entrons dans le jeu de l’hybridité  et du doute sur les frontières entre actuel et virtuel.

Etonnant qu’un fait aussi massif passe à côté de l’intelligencia en place, alors qu’il y va de la solidité de nos relations au faux, au vrai, au réel, à l’apparent!  ( Y compris solidité démocratique, C. Salmon avait raison).

Autre point : Rose a raison, mais ce qu’il cite est très en-deçà de ce qui nous attend : il traite du Web de documents, du Web HTML et de l’Hypertexte, mais nous n’en sommes plus là ! Le Web 2.0 a introduit les moyens de l’immersion par les réseaux sociaux, certes. Mais est en train de se développer avec le Web de données, ou Web sémantique, donc Web des connaissances, et de s’inscrire,  une nouvelle frontière entre Actuel et Fiction. Les moyens de raisonnement sur des données « fausses », ou même sans référence, définissent des autres mondes, contreparties de ce monde-ci. Sans une réflexion, une maîtrise et une pratique de ces nouvelles frontières brouillées, on va vers des catastrophes sans aucune mesure avec les illusions du fascisme dans les années 30 !

Déjà, en 1936, dans l‘Oeuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée, Walter Benjamin avait bien vu en conclusion que cette crise de la Fiction culminant dans un mélange du cinéma et de la publicité augurait la guerre totale.

Un des rares lieux sur le Web (en France) où ces idées sont discutées est celui du Blog du groupe VeriFiction, qui tente de démêler ces relations étranges entre techniques du Web sémantique, logiques de mondes possibles (utilisées comme logiques de description au sein des formats du Web) et théories de la Fiction.  https://verifiction.wordpress.com

Une des urgences prioritaires serait de penser la crise de la Fiction contemporaine.

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Un commentaire pour L’art de l’immersion / (BUZZ) de Frank ROSE, Ed. Sonatine

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